mercredi 25 avril 2018

Girl From North Country - Triple hommage à Bob Dylan

Cette chanson figure dans l'album "The Freewheelin Bob Dylan" (En roue libre) paru en 1963, le tout premier 33 tours acheté dans ma vie.
Bien plus tard, j'ai écrit en vers justifiés, Fille du Nord, une version personnelle augmentée de ce poème, publiée en 1996 à Douai dans le premier volume d'Au Nord de Quoi (éd. Marie-Odile Gain d'Enquin).
Très récemment, Tom Nisse, à son tour, vient d'écrire une autre version. A cette occasion, j'apprends l'existence de Tout comme Bobby, autre démarquage de la chanson, composé par le poète Serge Delaive.
Voici cette trilogie au Silo, accompagnée par la chanson originale de Bob Dylan :

La fille du Nord par Tom Nisse 


Si tu vas d'ici vers le bas tu arrives au Nord
tu humeras les terrils et braveras la bière et
si tu y vois cette fille qui porte en ses seins
une brise dis-lui que je lui écris à la maison

toi le voyageur à la merci du vent du Nord
tu feras halte chez les réfugiés qui dorment
dans les bunkers et sur la rive il y aura elle
demande-lui si nos souvenirs se rejoignent

les canaux se croisent sous un ciel éparpillé
incisé par deux neuves clôtures de barbelés
tu verras ses yeux sont apparentés à l'écume
dis-lui que les miens apprennent son ombre

ta marche peinera dans les plaines de neige
les ruines de l'horizon te seront ton héberge
demande-lui à cette fille au manteau rouge
si elle modèle encore le centre de ses rêves

demande-lui s'il-te-plaît si d'autres saisons
la soutiennent et un jour fais-moi signe et
surtout dis-lui avant de repartir que j'aime
toujours ses cheveux et leurs perspectives.

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Tout comme Bobby par Serge Delaive

Ami si par hasard tu pars en voyage
vers les régions du nord et des aurores
où la terre des confins ruisselle dans la mer
et les rivières renversent la pluie
où le ciel courbe les derniers angles
et le vent sur la lande archive les arbres
peut-être croiseras-tu là
une fille aux longs cheveux noirs
une fille aux yeux bleus spectaculaires
défiant les vagues debout sur le rivage
vêtue d’une robe que la brise épouse
dans ce cas je t’en prie approche-toi d’elle
dans son dos chuchote mon nom
et si elle se tourne lentement vers toi
muette des certitudes qu’affirme son visage
s’il te plaît avant de tomber amoureux
dis-lui qu’elle vit toujours en moi
au plus profond de mes nuits inquiètes
qu’elle ondule dans les rues qui me soutiennent
dis-lui qu’elle n’a pas vieilli d’une seconde
dans ma mémoire que le gel suspend
dis-lui qu’elle danse encore devant mon regard
sur notre chanson de mandoline et de violon
puis succombe à ton tour prends sa main dans la tienne
et souviens-toi que je l’aimais à la folie
peu de temps sans qu’elle décide de me quitter
et souviens-toi que je l’ai aimée comme un fou
peu de temps avant que la route ne me reprenne.
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Fille du Nord par Lucien Suel

si tu te déplaces là-bas vers le Nord
très loin où le vent est cassant dans
la bande de la frontière rappelle-moi
au bienveillant souvenir de celle qui
vit là elle était mon amour autrefois

Le vent du Nord respire en se tordant
sur le galbe de la planète, terrorise
en octobre le géranium, effarouche en
novembre le chrysanthème, ballotte en
décembre le blé d'hiver, extermine en
janvier le puceron. Aiguilles glacées
dans les lèvres noires de l'obscurité
boréale. Le voyageur claque des dents
sur l'asphalte sonore, rêche et gris.

si tu marches là-bas lorsque la neige
recouvre la ville floconneuse lorsque
la rivière s'engèle à la fin de l'été
vois je t'en prie si son manteau sera
assez chaud pour la protéger du vent.

Le canal s'allonge entre peupliers et
saules. Un cortège de péniches creuse
une entaille livide dans l'eau froide
picorée par les mouettes. Les percots
louvoient entre les hameçons de métal
garnis de lombrics convulsés. Cruelle
morsure dans les ténèbres aquatiques.
Le pêcheur se frotte le flanc tout en
se dandinant sur le chemin de halage.

je t'en prie vois si sa chevelure est
longue flamboyante dans les rayons du
soleil couchant regarde avec mes yeux
si sa chevelure serpente dans son dos
oui voilà mon plus précieux souvenir.

La mousse dépasse le bord du verre et
coule en longs filets glissant sur la
plaque trouée du zinc du comptoir. La
Blanche de Bruges tournoie au fond de
la gorge des filles blondes ou brunes
qui secouent leurs cheveux en arrière
vers la devanture de l'estaminet noyé
de buée tiède. Dans le néon jaune, le
satin cramoisi, l'harmonica hoquette.

je me demande perpétuellement si elle
se souvient de moi j'ai beaucoup prié
pour elle dans la nuit obscure de mon
âme dans l'éclatante clarté du soleil
je pince les cordes je souffle je vis

Le voyageur se hâte à la brune. Il se
dirige à gauche, l'ouest rose dans le
sable, dans les dunes, puis à droite,
l'est sombre dans la terre, parmi les
labours. Son front est incisé par une
ligne d'ombre. Il marche vers le feu,
vers le soleil, vers le Nord, vers le
haut, vers la nuit, vers le Nord. Une
brassée d'aubépine bourgeonne en lui.

si tu te déplaces là-bas vers le Nord
très loin où le vent est cassant dans
la bande de la frontière rappelle-moi
au bienveillant souvenir de celle qui
vit là elle était mon amour autrefois

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posted by Lucien Suel at 07:55